• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

Adaptations et résiliences des pratiques esclavagistes en Thaïlande et en Birmanie

Jacques Ivanoff, Supang Chantavanich, Maxime Boutry

Abstract/Resumen

Adaptations and Resiliencies of Slavery Practices in Thailand and Burma

Writing about modern slavery brings ethic, religious, political and economic questions. Traditional slavery is complex because it can be a form of "willing slavery", today as much as yesterday. This is one of the reasons why slavery can be described as an "extreme form of dependence" (Condominas 1998). Southeast Asia had been historically subject to the colonisation of territories as the result of conflicts between Nation-States in formation which, in order to colonize new lands, put the submitted populations into slavery. Other forms of slavery existed : slaves’ obedience to their landlords or to the person they were in debt bondage with, for instance. Debt bondage can be defined today as one of the most important forms of slavery. On the one hand, authorities, even with their best efforts, cannot eradicate this problem, which is culturally anchored ; and in the other hand, the local economies need these slave-workers to be competitive, and even fetch them in neighbouring countries such as Cambodia or Burma. The paradox is obvious. How can slavery be supressed if the economy is so dependent on slavery ? The dialogue is hence difficult between the United States and the Thai Kingdom, for instance, which makes real efforts to control human trafficking, with mixed results only. That is the reason why Thailand is still inscribed in the infamous Tier 3 category of the ASEAN classification of countries. Even though NGOs, researches, investing committees and sanctions (such as the "yellow card" given by Europe concerning Thailand’s sea production because of the unclear status of workers) take relevant actions, they cannot put an end to the ancient practices inscribed in the nepotic culture of Southeast Asia. Only mass education and a step-by-step approach, combined with a massive redistribution of wealth, will hopefully help to eradicate what is considered as one of the pillars of Southeast Asian archaism.

Keywords: Ivanoff, Chantavanich, Boutry, Slavery, Dependence, Tradition, Economy, NGOs, Competition, Education, Worker, Nepotism, Traffic

Adaptaciones y resiliencias de las prácticas esclavistas en Tailandia y Birmania

Hablar de esclavitud moderna plantea cuestiones éticas, religiosas, políticas y económicas. La esclavitud « tradicional » es tan compleja, que incluso puede ir hasta la esclavitud « voluntaria », hoy como ayer, se ha hablado de formas extremas de dependencia (Condominas 1998) para definir esta categoría social. La historia del Sudeste asiático tiene como sujeto la colonización de territorios, que ha seguido las confrontaciones de Estadosnaciones en formación quienes, con el fin de colonizar sus tierras, esclavizaban a las poblaciones sometidas. Estas últimas aún pueden ser definidas como esclavas. Por una parte, las autoridades, a pesar de los esfuerzos realizados no han logrado erradicar este problema cuya raigambre cultural es muy fuerte ; por otra parte, las economías locales tienen necesidad de dichos trabajadores-esclavos para poder hacer funcionar sus economías de manera competitiva, incluso yéndolos a buscar en los países vecinos (Tailandia recurre a la mano de obra camboyana y birmana). Una paradoja resulta evidente : ¿ cómo suprimir la esclavitud cuando ésta es necesaria para la economía ? Lo que entraña por ejemplo dificultades de dialogo entre los Estados Unidos y Tailandia para saber en qué categoría «Tier » situar al Reino de Tailandia, quien a pesar de sus esfuerzos por luchar contra el tráfico humano, ha llevado a cabo una lucha más declarativa que efectiva, que la había colocado en la infamante categoría « Tier 3 », al menos hasta el mes de agosto de 2016. A pesar de lo útiles que representan las ONG, las investigaciones, las comisiones de investigación y las sanciones (como la « tarjeta amarilla » que se impone en Europa a los productos pesqueros provenientes de Tailandia), no han sido suficientes para erradicar prácticas ancestrales inscritas en la cultura clientelista del Sudeste asiático. Solo la educación y el efecto incremental de pequeñas transformaciones permitirán encontrar un remedio a este problema, evidentemente acompañados de la redistribución de las riquezas, cuya ausencia constituye uno de los pilares del arcaísmo del Sudeste asiático.

Palabras clave : Ivanoff, Chatavanich, Boutry, esclavitud, dependencia, tradición, economía, ONG, competencia, educación, trabajador, nepotismo, trafico

 

Résumé

Parler d’esclavage moderne soulève des questions éthiques, religieuses, politiques et économiques. L’esclavage « traditionnel » est tellement complexe, pouvant même aller jusqu’à un esclavage « volontaire », aujourd’hui tout comme hier, que l’on a parlé de formes extrêmes de dépendance (Condominas 1998) pour définir cette catégorie sociale. L’histoire de l’Asie du Sud-Est a été sujette à la colonisation de territoires, suivant les affrontements d’États nations en formation qui, pour coloniser leurs terres, mettaient en esclavage les populations soumises. D’autres formes existaient, les serfs aux mains de seigneurs ou les esclaves pour dettes. Ces derniers peuvent être encore définis aujourd’hui comme des esclaves. D’une part, les autorités, malgré tous les efforts menés, ne peuvent éradiquer ce problème trop ancré culturellement et, d’autre part, les économies locales ont besoin de ces travailleurs-esclaves pour faire tourner leurs économies de manière compétitive, quitte à aller les chercher dans les pays voisins (la Thaïlande puise dans la main-d’œuvre cambodgienne et birmane). Un paradoxe est évident. Comment supprimer l’esclavage alors que celui-ci est nécessaire à l’économie ? D’où il découle par exemple des difficultés de dialogue entre les États-Unis et la Thaïlande pour savoir dans quelle catégorie « Tier » mettre le Royaume de Thaïlande, qui malgré ses efforts pour lutter contre le trafic humain, mène une lutte plus déclarée qu’effective et est demeurée dans la catégorie infamante «Tier 3 » jusqu’au mois d’août 2016. Malgré les outils pertinents que représentent les ONG, les recherches, les commissions d’enquêtes et les sanctions (le « carton jaune » de l’Europe par exemple concernant les produits de la pêche venus de Thaïlande), cela ne suffit pas à éradiquer des pratiques tellement anciennes qu’elles sont inscrites dans la culture népotique de l’Asie du Sud-Est elle-même. Seules l’éducation et la pratique des petits pas permettront de remédier à ce problème, avec évidemment une redistribution des richesses, dont la lacune constitue un des piliers de l’archaïsme du Sud-Est asiatique.

Mots clés

Ivanoff, Chantavanich, Boutry, esclavage, dépendance, tradition, économie, ONG, compétition, éducation, travailleur, népotisme, trafic

Pour citer cet article

Jacques Ivanoff, Supang Chantavanich et Maxime Boutry, « Adaptations et résiliences des pratiques esclavagistes en Thaïlande et en Birmanie », Anthropologie et Sociétés, vol. 41, no 1, 2017 : 29-49

Situations contemporaines de servitude et d’esclavage
Volume 41, numéro 1
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Couverture : Situations contemporaines de servitude et d’esclavage