• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

Crise de subsistance ou crise des modèles explicatifs ? À propos d'un mouvement indigène et de ses interprétations

Abstract/Resumen

Subsistence Crisis, or Crisis in the Explanatory Models ? Notes on an Indian Movement and ils Interprétations

In the following article, the author questions the excessive use of the notion of " crisis " in the human sciences, particularly regarding the explanation of social movements. Reviewing ethnological, sociological and économie studies dealing with the " rural crisis in Mexico ", he shows that the notion has being used rather indiscriminately for two décades both to describe and to explain a wide array of phenomena, from land concentration and proletarian-ization (or non-proletarianization) of peasants to Indian acculturation and the various contradictory policies followed by the Mexican Government during the same period. In particular, the large peasant and native mobilization of the seventies has been interpreted as " fighting back the crisis ". On the basis of interviews as well as ethnohistorical data in the Sierra Norte de Puebla, he then proceeds to elicit the Nahua concepts corresponding to the food crisis and the social crisis, as well as to describe the traditional means of dealing with thèse. He stresses the fundamental différence between thèse cultural responses and the native protest movement of the 70s which gave birth to a large coopérative organization, the Tosepan Titataniske. Rooted in a perception of abundance rather than scarcity, the movement bears witness to the présence of a modernizing will within the nahua communities, which articulated with national policies.

Résumé

Dans l'article qui suit, l'auteur remet en question une interprétation qui lui semble abusive de la notion de " crise " en sciences humaines, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'expliquer les mouvements sociaux. Dans un premier temps, à partir des écrits d'ethnologues, de sociologues et d'économistes concernant la " crise rurale mexicaine ", depuis vingt ans, il montre comment cette notion fourré-tout prétend à la fois décrire et expliquer des phénomènes aussi divers que la concentration des terres, la prolétarisation (ou non-prolétarisation) des paysans, l'acculturation des Indiens, sans oublier les politiques contradictoires des divers gouvernements qui se sont succédés. En particulier, la forte mobilisation paysanne et autochtone des années soixante-dix a été interprétée comme une " réponse à la crise ". Se fondant ensuite sur des témoignages contemporains ainsi que sur des données ethnohistoriques. l'auteur montre que chez les Nahuas de la Sierra Norte de Puebla, il existe bien des conceptions autochtones de la crise alimentaire et de la crise sociale, de même que des formes traditionnelles de gestion de ces crises. L'auteur met en relief la différence fondamentale entre ces réponses culturelles à la crise et le mouvement ethnique de revendication qui déboucha sur la création d'une vaste organisation coopérative autochtone, la Tosepan Titataniske : inscrit dans une perception d'abondance et non de pénurie, ce mouvement témoigne plutôt de la volonté de modernisation présente de la population indienne, volonté qui s'est articulée à des programmes gouvernementaux nationaux.

Pour citer cet article

Beaucage, Pierre. « Crise des subsistances ou crise des modèles explicatifs ? À propos d'un mouvement indigène et de ses interprétations. » Anthropologie et Sociétés, volume 16, numéro 2, 1992, p. 67–90.

Crises de subsistance
Volume 16, numéro 2
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