• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

La rencontre anthropologique et ses ombres

Abstract/Resumen

The Anthropological Encounter and its Shadows

Adopting a phenomenological view coupled with some Lacanian psychoanalytic insights, this study will first scrutinise how references to the horrors of the two World Wars were dodged during my younger days in the 1950s. I came to view the Flemish language as a fabric binding the people-from-below in Belgium; the solidarity of this speech community demarcated itself from the French-speaking bourgeois class. The traumas of war, which dug a hole in, or cast a darkening shadow on, these people’s memory and language, formed my peasant society’s positioning in the world as well as their way of being and adjusting to the Other, strongly marked by affects and the unspoken, and riveted on the propensity of things, betweeness and life’s shadows. The second part of my essay examines my eagerness in the early 1970s to become adopted as an anthropologist in the subordinate milieu of the Yaka in the South-western Democratic Republic of Congo. And the present after-event reflexivity is an attempt to mull over ways in which the family trauma triggered by the two World Wars indirectly informed my sensitivity within the Yaka context for both the intergenerational memory traces of colonial or family trauma lurking behind the unspeakable, and between, or at, the border of words, as well as for the ritual devices seeking to disclose that unthought-in-thought.

Keywords: Devisch, Unspeakable Trauma, Cultural Otherness, Extimacy, Phenomenology

En encuentro antropológico y sus sombras

Desde una óptica fenomenológica, integrando varias perspectivas sicoanalíticas lacanianas, mi estudio trata de escrutar, por principio, cuánto, durante mi juventud en los años 1950, la referencia al horror de las guerras de 1914-1918 y de 1940-1944, se hacia de manera oblicua. Yo concebía la lengua flamenca como la fábrica de la solidaridad de un pueblo subalterno de Bélgica, que además, le permitía subrayar sus diferencias con la clase burguesa francófona. Ese trauma de guerra que eclipsaba o se enterraba en la memoria del pueblo, de la misma manera su lengua, acrisolaron en mi sociedad de origen campesino una actitud ante el mundo y una manera de ser y de ajustarse al otro fuertemente cargadas de sentimientos y de implícitos inclinados hacia el interés del curso natural de las cosas, hacia los huecos y las sombras de la vida. La segunda parte de este artículo cuestiona la manera en que, a principios de los años 1970, se desarrolló mi deseo de adoptar como antropólogo en el medio subalterno de los Yaka de la RD del Congo del sudoeste. Una reflexividad ulterior trata de aclarar cómo indirectamente el trauma familiar de las guerras alimentaba mi sensibilidad hacia el entorno yaka, debido tanto a las huellas intergeneracionales del trauma familiar o colonial y a lo indecible al borde de y entre las palabras, como a los dispositivos rituales que pretenden aclarar lo impensado del pensamiento.

Palabras clave : Devisch, trauma indecible, alteridad cultural, extimidad, fenomenología

Résumé

D’un regard phénoménologique, intégrant quelques perspectives psychanalytiques lacaniennes, cette étude entend scruter d’abord combien, au temps de ma jeunesse dans les années 1950, la référence à l’horreur des guerres de 1914-1918 et de 1940-1944 se faisait de façon biaisée. J’y percevais la langue flamande comme fabrique d’une solidarité du peuple subalterne en Belgique, et au travers de laquelle il marquait sa différence d’avec la classe bourgeoise francophone. Ce traumatisme de guerre qui faisait ombre ou trou dans la mémoire du peuple, tout comme cette langue, ont soudé dans ma société paysanne d’origine un positionnement dans le monde et une manière d’être et de s’ajuster à l’autre fortement empreints d’affects, de non-dits et infléchis vers une attention au cours naturel des choses, aux entre-deux et ombres de la vie. La seconde partie s’interroge sur la manière dont, en début des années 1970, s’est développé mon désir d’adoption comme anthropologue dans le milieu subalterne des Yaka en République démocratique du Congo du sud-ouest. Et une réflexivité a posteriori cherche à décanter combien le traumatisme familial des guerres nourrissait indirectement ma sensibilité en milieu yaka tant pour les traces intergénérationnelles du trauma familial ou colonial et pour l’indicible en bordure de et entre les mots, que pour les dispositifs rituels visant à éclaircir cet impensé-dans-la-pensée.

Mots clés

Devisch, trauma indicible, altérité culturelle, extimité, phénoménologie

Pour citer cet article

René Devisch, « La rencontre anthropologique et ses ombres », Anthropologie et Sociétés, vol. 34, no 3, 2010 : 23-40

Psychanalyse et anthropologie. L'ébranlement d’une rencontre
Volume 34, numéro 3
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