• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

Photographie, un objet du pouvoir. Les nus pris par Simon Mukunday à Lubumbashi, République démocratique du Congo

Bogumil Jewsiewicki

Abstract/Resumen

Photography, a Power Object
Simon Mukunday’s Women’s Nudes, Lubumbashi, Democratic Republic of the Congo

The examination of the production and of the circulation of social identities of "modern" bodies through photographic images is the main subject of the paper. In 20th century Congo, photography is an artefact representing a "modern" person. A new medium, photography allows someone to put on stage his/her new identity and to exercise some degree of control over its circulation. In the last quarter of the 20th century, a few dozens of young women asked Simon Mukunday, a studio photographer, to take photographs of their nude bodies. What happens when women take control of the images of their nude bodies ? What is their purpose when they oppose social norm and what did they do with these images ? Did they wish to satisfy men’s desire, or did they use photographic images of their nude bodies as power objects in an effort to gain some control over their social position ?

Keywords: Jewsiewicki, Photography, Identity, Representation, Women’s Bodies, Power Object, Democratic Republic of the Congo

Fotografía, objeto de poder
Los desnudos tomados por Simon Mukunday en Lubumbashi, República democrática del Congo

Este texto examina los efectos sociales de los usos congoleses de la fotografía como medio de producción y de circulación de la identidad y del cuerpo modernos. A lo largo del siglo XX, la representación fotográfica representa la nueva identidad puesta en circulación en el universo moderno. La imagen « mecánicamente reproducida » constituye un artefacto que es el substituto de la persona moderna. Para este número especial, el interés del texto aquí propuesto es sobre todo comparativo. El análisis de un proceso de representación de sí mismo por la fotografía ilustra lo que provoca en la representación de sí mismo la circulación en Internet de las imágenes auto-reproducidas. Desde luego, las dos situaciones se encuentran en oposición : en el caso congolés, la imagen fija es bidimensional, su producción por una tercera persona y su circulación han sido cosificadas; en Internet, la imagen animada se auto-produce gracias a la circulación en el espacio no cosificado. No obstante, en ambos casos, hay una coincidencia entre el cambio de medio y la voluntad del sujeto de hacer circular otra representación de sí mismo, de controlar la imagen de su cuerpo. En el Congo, la identidad moderna está en permanente circulación, parece gravitar en torno de la persona más que formar parte del cuerpo. Socialmente aceptada, la representación del cuerpo negro femenino « moderno » se inscribe en la memoria cultural de la dominación, incluso en el plan del erotismo. En cambio, cuando las mujeres se apoderan de la imagen de sus cuerpos para desafiar el sistema social, el cuerpo desnudo es representado en tanto que bien cosificado. Así es inscrito en un modo de disfrute « moderno » y la oferta de satisfacción del deseo masculino individual a cambio del acceso a las redes de poder. ¿Estamos frente a un deseo de poder o frente a una tentativa de liberación del dominio masculino ? Resulta difícil establecer la diferencia. En efecto, sobre el sexo femenino expuesto flota la memoria de otra concepción de acuerdo a la cual ese sexo es el lugar de donde viene la vida pero también es el sitio de una potencia embrujadora. Exponer/mirar el sexo femenino es también un acto de poder.

Palabras clave : Jewsiewicki, fotografía, identidad, representación, cuerpo femenino, objeto de poder, República democrática del Congo

Résumé

Ce texte examine les effets sociaux des usages congolais de la photographie comme medium de production et de circulation de l’identité et du corps modernes. Au cours du XXe siècle, la représentation photographique témoigne de la nouvelle identité mise en circulation dans l’univers moderne. L’image « mécaniquement reproduite » constitue un artefact tenant lieu et place d’une personne moderne. Pour ce numéro spécial, l’intérêt du texte proposé ici est surtout comparatif. L’analyse d’un processus de représentation de soi par la photographie éclaire ce que fait à la représentation de soi la circulation sur Internet des images autoproduites. Certes, les deux situations sont opposées: dans le cas congolais l’image fixe est bidimensionnelle, sa production par un tiers et sa circulation sont commodifiées; sur Internet l’image animée est autoproduite pour la circulation dans l’espace non commodifié. Néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, il y a coïncidence entre le changement de médium et la volonté du sujet de mettre en circulation une autre représentation de soi, de contrôler l’image de son corps. Au Congo, l’identité moderne est en construction permanente, elle semble graviter autour de la personne plutôt que faire partie du corps. Socialement acceptée, la représentation du corps noir féminin « moderne » s’inscrit dans la mémoire culturelle de la domination, y compris au plan de l’érotisme. Par contre, lorsque des femmes s’emparent de l’image de leur corps pour défier le système social, le corps nu est représenté en tant que bien commodifié. Il est alors inscrit dans un mode de jouissance « moderne » et dans l’offre de satisfaction du désir masculin individuel contre l’accès aux réseaux de pouvoir. Faut-il y voir un désir de pouvoir ou une tentative de libération de la domination masculine? La distinction est difficile à opérer. En effet, sur le sexe féminin exposé plane la mémoire d’une autre conception selon laquelle ce sexe est autant le lieu d’où vient la vie que le siège d’une puissance sorcière. Exposer/regarder le sexe féminin est ainsi un acte de pouvoir.

Mots clés

Jewsiewicki, photographie, identité, représentation, corps féminin, objet de pouvoir, République démocratique du Congo

Pour citer cet article

Bogumil Jewsiewicki, « Photographie, un objet du pouvoir. Les nus pris par Simon Mukunday à Lubumbashi, République démocratique du Congo », Anthropologie et Sociétés, vol. 40, no 1, 2016 : 219-250

Reconnaissance et stratégies médiatiques
Volume 40, numéro 1
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