• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

Soignants et étudiants face à la mort. Des émotions à écarter

Rose-Anna Foley et Michael Saraga

Abstract/Resumen

Caregivers and Students Facing Death. Emotions to Set Aside

Based on a seminar for medical students entitled Caregivers Facing Death and from our own work in hospital ethnography and liaison psychiatry at the general hospital, we discuss the status of emotions in care. When asked by students about their experience with end-of-life, caregivers often describe emotions as dangerous, and the importance of protecting oneself from them as paramount. Based on this observation, we return to the place of emotions in the biomedical and social sciences literature. Emotions of interest to the social sciences are mainly those of patients, and clinical decisions are most often seen as constrained by values and norms imposed on caregivers, themselves without apparent emotion. This posture curiously reinforces the idea, widespread in health care and more generally in our societies, that emotions can impair the ability to think rationally and objectively and must be put aside. In ethnography, however, researchers’ emotions are seen as reliable indicators; similarly, the work of psychoanalyst Michael Balint emphasizes the need for clinicians to take into account the emotions of patients. On this basis, it would be possible to restore emotions to a central role in guiding the actions of researchers and clinicians alike.

Keywords: Foley, Saraga, death, emotions, students, caregivers, clinical, Balint, ethnography

Cuidadores y estudiantes ante la muerte. Emociones que hay que evitar

A partir de un seminario destinado a los estudiantes en medicina intitulado Proveedores de cuidado ante la muerte, y de nuestros propios trabajos – etnografía de hospitales y siquiatría de enlace en el hospital general –, discurrimos sobre el estatus de las emociones en los cuidados sanitarios. Interrogados sobre el fin de la vida por les estudiantes, los proveedores de cuidados describen con frecuencia las emociones como peligrosas, y la primordial importancia que es protegerse de ellas. A partir de dicha constatación y de cierta ambivalencia descrita por los estudiantes, revisamos el tratamiento de las emociones en la literatura biomédica y en ciencias sociales. Las emociones que suscitan el interés de las ciencias sociales son sobre todo las de los pacientes y las decisiones clínicas que frecuentemente son percibidas como restringidas por los valores y las normas impuestas al personal sanitario, ellos mismo sin emociones aparentes. Esta postura curiosamente redobla la idea, bastante extendida entre los proveedores de cuidados y más generalmente en nuestras sociedades, según la cual las emociones ponen en peligro la capacidad de pensar de manera racional y objetiva y deben evitarse. Pero, en ciencias sociales y sobre todo en etnografía, las emociones de los investigadores se perciben como indicadores fieles; así mismo, en los cuidados sanitarios, los trabajos del sicoanalista Michel Balin insisten en la necesidad de que los profesionales de la salud tomen en cuenta las emociones que suscitan los pacientes. Sobre esta base, parece pertinente otorgar a las emociones un lugar central que guie las acciones de los investigadores y los profesionales de la salud.

Palabras clave: Foley, Saraga, muerte, emociones, estudiantes, proveedores de cuidados, clínica, Balint, etnografía

Résumé

À partir d’un séminaire destiné aux étudiants en médecine intitulé Soignants face à la mort et de nos propres travaux en ethnographie hospitalière et dans le champ de la psychiatrie de liaison dans un hôpital général, nous discutons le statut des émotions dans les soins. Interrogés sur la fin de vie par nos groupes d’étudiants, les soignants décrivent souvent les émotions comme dangereuses et l’importance de s’en prémunir comme primordiale. À partir de ce constat et d’une certaine ambivalence décrite par les étudiants, nous revenons sur la place des émotions dans la littérature biomédicale et en sciences sociales. Les émotions suscitant l’intérêt des sciences sociales sont surtout celles des patients et les décisions cliniques sont le plus souvent envisagées comme étant contraintes par des valeurs et des normes imposées aux soignants, eux-mêmes sans émotion apparente. Cette posture redouble ainsi curieusement l’idée, répandue dans les soins et plus généralement dans nos sociétés, selon laquelle les émotions risquent de mettre à mal la capacité à penser de manière rationnelle et objective et doivent être mises à l’écart. Or, en sciences sociales et notamment en ethnographie, les émotions des chercheurs sont perçues comme de fidèles indicateurs ; de même, dans les soins, les travaux du psychanalyste Michael Balint insistent sur la nécessité d’une prise en compte par les cliniciens des émotions suscitées par les patients. Sur cette base, il serait pertinent de redonner aux émotions une place centrale pour guider les actions des chercheurs comme des cliniciens.

Mots-clés

Foley, Saraga, mort, émotions, étudiants, soignants, clinique, Balint, ethnographie

Pour citer cet article

Rose-Anna Foley et Michael Saraga, "Soignants et étudiants face à la mort. Des émotions à écarter", Anthropologie et Sociétés, vol. 45, no 1-2, 2021 : 277-296

Fin de vie et mourir contemporains
Volume 45, numéro
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