• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

Un regard aveuglé. Anticléricalisme par excès d'humanisme universaliste en Algérie

Abstract/Resumen

A Blind Stare. Anti-Clericalism as a Resuit of Excessive Universalist Humanism in Algeria

This article is about the extreme difficulty of the French to apprehend Islam since their encounter with it in Algeria at the beginning of the XIXth century. The central question here concems the specifie status given to religion in France since the French Revolution. More specifically, it tums around the complex links that the social sciences entertain with religion. The article focusses in particular on a model that deals with the oscillation between knowledge and non knowledge about Islam, which tends to minimize (or eradicate) Islam in North-Africa. This is more évident in the writings of the Republicans and the nativists than in those of the settlers and the right wing. It is illustrated in the fact that, during the War of Independence, the National Front of Liberation was seen as laical, repeating thereby the relation between the Christian left and the French Communist Party (1940-1945). The article identifies the roots of this repeated mis-recognition of Islam in a tenacious anti-clericalism whose nature is more cognitive than ideological. This anti-clericalism refers to three fears : the rejection of the Ancien Regime, the risks that religion could represent for the State and finally the positivism's refusai of belief, emotion and irrationality.

Key words : Colonna, anti-clericalism. Islam, left Christians, social agents

Résumé

II s'agit ici de réfléchir sur l'extrême difficulté, qui semble particulière au champ français, à penser l'islam, depuis sa rencontre en Algérie, au début du XIXe siècle. L'hypothèse centrale de cette confrontation est que le statut singulier de la religion en France depuis la Révolution française, plus précisément les liens très complexes que la naissance des sciences sociales au XIXe siècle entretient avec elle, obscurcit la vision de l'islam depuis ce moment et jusqu'à aujourd'hui. On s'est concentré plus particulièrement sur un modèle qui paraît rendre compte des oscillations du savoir/non-savoir sur l'islam, depuis le premier tiers du XIXe siècle : euphémiser, minimiser (ou éradiquer) l'islam en Afrique du Nord fut plutôt le projet bien intentionné des républicains et des indigènophiles que celui des colons ou de la droite. On retrouve un surgeon de cela durant la guerre d'Algérie : le mythe d'un FLN laïque ne fut-il pas d'abord le produit d'une relation en miroir entre celui-ci et une gauche (chrétienne) encore marquée par son histoire récente avec le PCF (1940-1945). On a tenté de montrer que les racines de cette méconnaissance répétitive se trouvaient sans doute dans un anticléricalisme tenace, de nature plus cognitive qu'idéologique, qui renvoie à trois peurs : le rejet de l'Ancien Régime ; les périls que la religion ferait encourir à l'État ; le refus enfin de la croyance, de l'émotion et du non-rationnel en général, qui fonde la tyrannie du positivisme scientifique.

Mots clés

Colonna, anticléricalisme, islam, chrétiens de gauche, acteurs

Pour citer cet article

Colonna, Fanny. « Un regard aveuglé. Anticléricalisme par excès d'humanisme universaliste en Algérie. » Anthropologie et Sociétés, volume 20, numéro 2, 1996, p. 59–83.

Algérie. Aux marges du religieux
Volume 20, numéro 2
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