• Anthropologie et Sociétés - Fondée en 1977

Une rupture dans l’air. La télévision satellite de Chine dans la communauté tibétaine en exil à Dharamsala (Inde)

Isabelle Henrion-Dourcy

Abstract/Resumen

A Rupture in the Air. Chinese Satellite TV in the Exiled Tibetan Community of Dharamsala

Most diaspora studies emphasize how media maintain the cultural, social and often political cohesion of those groups scattered across several national spaces. But are all the media in the diasporic group’s own language always entailing cohesion ? The case of satellite television in the Tibetan community of Dharamsala (Himachal Pradesh, India) is particular, in that the Tibetans have been exposed, for the last dozen years only, to a wealth of satellite programs that are diverse in both origins and ideological content. On top of the sixty or so channels that are part of the STAR, G and Sony packages, they have access to both diasporic media (two Tibetan programs broadcasted from Dharamsala and Washington) and transnational media from Tibet (three channels in Tibetan and three in Chinese). Observations reveal that the differential consumption of those media brings to light the internal fractures of this community, in terms of age and mostly of routes of migration. Moreover, the impact of the continuous exposure of the much politicized exiles to the Chinese media is either ignored officially or denied by local Tibetans, who over-emphasize the discursive content of both their own identity and the language of television. However, television is not merely a pedagogical tool, it is a machine to create desire as well, either in consumption or in affect, and these two dimensions are overlooked locally.

Keywords: Henrion-Dourcy, Satellite TV, Tibet, India, China, Diasporas, Identity

Una ruptura en el aire. La televisión vía satélite de China en la comunidad tibetana exiliada en Dharamsala (India)

La mayoría de estudios sobre las diásporas subrayan el rol de la cohesión cultural, social y con frecuencia política que juegan los medios de comunicación en el seno de los grupos establecidos a través de varios espacios nacionales. ¿Pero acaso todos los medios en la lengua del grupo son vectores de cohesión? El caso de la televisión vía satélite en la comunidad tibetana de Dharamsala (Himachal Pradesh, India), donde se llevó a cabo nuestra encuesta, es notable en el sentido en que los Tibetanos gozan, desde hace apenas unos diez años, de un oferta televisiva tan abundante como ideológicamente variada. A la sesenta canales que ofrece STAR, G y Sony TV, se agregan los medios de la diáspora (dos programas en tibetano realizado sea en Dharamasala o en Washington) y otros medios transnacionales (dos cadenas en tibetano y tres en chino difundidos desde el Tíbet). Las observaciones muestran que el consumo diferencial de dichos medios ilustra las fracturas internas de la comunidad, no solamente de acuerdo con la edad, sino también y sobre todo de acuerdo con la trayectoria migratoria, más o menos antigua en India, de los telespectadores. Por otra parte, los efectos de una exposición continua a los medios chinos sobre los exilados, muy politizados, sea que ha sido callada por las autoridades, sea que ha sido desmentida por los espectadores, utilizando una retorica que sobrevalora tanto los contenidos discursivos como la identidad tibetana y el lenguaje televisual. Ahora bien, éste último no es solamente una herramienta pedagógica, sino también una máquina para engendrar el deseo, consumista o afectivo, dos dimensiones por el momento localmente olvidadas.

Palabras clave : Henrion-Dourcy, televisión vía satélite, Tíbet, India, China, diásporas, identidad

Résumé

La plupart des études des diasporas soulignent le rôle de cohésion culturelle, sociale et souvent politique joué par les médias au sein de ces groupes établis à travers plusieurs espaces nationaux. Mais tous les médias dans la langue du groupe sont-ils pour autant des vecteurs de cohésion? Le cas de la télévision satellite dans la communauté tibétaine de Dharamsala (Himachal Pradesh, Inde), où cette enquête ethnographique a été menée, est particulier, du fait que les Tibétains ont accès, depuis à peine une dizaine d’années, à une offre télévisuelle aussi foisonnante qu’idéologiquement variée. À la soixantaine de chaînes du bouquet de STAR, G et Sony TV s’ajoutent des médias diasporiques (deux programmes en tibétain réalisés soit à Dharamsala, soit à Washington) et des médias transnationaux (trois chaînes en tibétain et trois autres en chinois diffusées depuis le Tibet). Les observations révèlent que la consommation différentielle de ces médias met en lumière les fractures internes de la communauté, non seulement selon l’âge, mais aussi et surtout selon le parcours migratoire, plus ou moins ancien en Inde, des téléspectateurs. Par ailleurs, l’impact d’une exposition continue des exilés, très politisés, aux médias chinois est soit passé sous silence par les autorités, soit démenti par les spectateurs, au nom d’une rhétorique qui survalorise les contenus discursifs à la fois de l’identité tibétaine et du langage télévisuel. Or, celui-ci n’est pas qu’outil pédagogique, il est aussi machine à créer du désir, consommatoire ou affectif, deux dimensions pour l’instant négligées localement.

Mots clés

Henrion-Dourcy, télévision satellite, Tibet, Inde, Chine, diasporas, identité

Pour citer cet article

Isabelle Henrion-Dourcy, « Une rupture dans l’air. La télévision satellite de Chine dans la communauté tibétaine en exil à Dharamsala (Inde) », Anthropologie et Sociétés, vol. 36, nos 1-2, 2012 : 139-159

Médiamorphoses. La télévision, quel vecteur de changements ?
Volume 36, numéro 1
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Couverture : Médiamorphoses. La télévision, quel vecteur de changements ?