Jean-Pierre Olivier de Sardan. Livre 6. La valeur du qualitatif et les fondements empiriques des ...
J'ai réalisé sept enquêtes sur le terrain au Nigeria, une au Kenya, cinq en Angleterre, d'autres aux États-Unis, avec des musiciens de jazz, des Asiatiques ougandais et des Italo-Américains, ainsi qu'au Canada, parmi les immigrants asiatiques ougandais. À chaque voyage je me trouvais à une étape différente de ma vie et de ma carrière. De plus, chaque voyage fut différent quant à sa «signification sexuelle».
« La méthode, c’est le chemin après qu’on l’a parcouru », disait Marcel Granet, sentence que son élève Georges Dumézil aimait répéter (voir par exemple 1948 : 12). Cette idée rétrospective de la méthode est fidèle à l’étymologie du mot grec meta-hodos : « (se déplacer) le long du chemin ». Au lieu de proposer des méthodes toutes faites que le chercheur est censé mimer, il est toujours valable de suivre les parcours de chercheurs dans leurs travaux, d’où l’on peut extraire, a posteriori, des méthodes.
L’interdisciplinarité existe aujourd’hui, mais davantage dans le discours proclamé que dans sa mise en œuvre effective. L’observation montre que les scientifiques ou les techniciens se cachent souvent derrière le dogmatisme disciplinaire pour empêcher le rapprochement des compétences interdisciplinaires. La réalité fait pourtant apparaître que l’anthropologie n’appartient pas aux anthropologues, pas plus que les autres disciplines n’appartiennent à ceux qui s’en réclament ou s’identifient totalement.